Spiritualité du Pélerinage
Avec Saint-Jacques trouver sa vocation - Par Monseigneur Marc Aillet
Combien de fois n’avons nous pas chanté le
cantique "Partir c’est mourir un peu" ? Le pèlerin de Saint-Jacques le sait bien, le départ sonne comme un "à Dieu". Le sac est là, plein à craquer, rien n’est oublié: rechanges,
médicaments, la Bible, un chapelet, quelques livres et cartes, de la nourriture, le duvet, le tapis de sol, les affaires de toilette …
Les premiers kilomètres sont avalés avec
enthousiasme, mais il suffit de quelques heures pour que le marcheur commence à sentir son dos et ses pieds. Au terme du premier jour, il fait l’expérience cuisante de la pesanteur du
sac, de la faiblesse de sa volonté, peut-être même regrettera-t-il amèrement de s’être jeté dans une telle aventure. N’a-t-il pas choisi de se lancer dans la course pour "faire Saint
Jacques" ? Tant de pèlerins de tous les âges n’ont-ils pas marché sur cette route pour rencontrer le Christ ? Les jours se poursuivent et notre homme peine à vibrer de l’élan initial.
Ce temps d’acédie, de dégoût devant le présent qui est là et dont il ne retire aucune jouissance, est pour lui comme un appel à plonger davantage en Dieu: un détachement de ce qui
nous encombre vers un attachement toujours plus grand à Celui qui demeure, éternellement.
Comme pour chaque être humain sur cette
terre, il en est du chemin de Saint-Jacques comme d’un concentré de la vie. La finalité de notre trajectoire ici-bas consiste à répondre à Celui qui donne le sens à notre existence.
"Tu nous à fait pour Toi Seigneur et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en Toi" écrit saint Augustin. La finalité de l’être de chacun réside en Dieu. C’est l’expérience
que peuvent faire les pèlerins de Galice. "Dieu seul suffit" affirme sainte Thérèse d’Avila; c’est alors que le sac à dos peut être délesté de tout le superflu de nos vies. "Pourquoi
se tourmenter puisque Dieu est là ?" dira la petite Anne de Guigné au terme de sa brève existence.
Ainsi, le Chemin de Compostelle devient
l’occasion de débarrasser l’Amour de ce qui le gêne. La méditation quotidienne de la Parole de Dieu va progressivement aplanir les sentiers raboteux de nos cœurs. Temps d’ascèse et de
joie, il offre aussi la perspective de la rencontre avec l’autre, comme une occasion de prolonger l’intimité avec Dieu vécue dans la prière lors des kilomètres de silence et de
solitude; la redécouverte de l’actualité de notre baptême à l’école de la Vierge Marie emprunte cette voie. La marche au long cours à la suite du Christ est donc une occasion
particulière de découverte et d’approfondissement vocationnel.
Comme une artère coronaire fait vivre un
corps, le Chemin de Saint-Jacques, à l’image de l’itinéraire emprunté par des milliers de fourmis, est un canal vivifiant traversant de part en part le diocèse de Bayonne. Qui ne
connaît le point de ralliement qu’est Saint-Jean-Pied-de-Port ? C’est pourquoi, à l’occasion de l’ouverture de l’année de Propédeutique à Bayonne en septembre 2009, j’ai décidé que le
pèlerinage de Compostelle entrerait dans le programme sous deux formes: la première, en permettant aux jeunes propédeutes d’accomplir tout ou partie du Chemin, et la seconde, en les
associant à l’hospitalité catholique de telle ou telle étape. Pèlerins et hospitaliers, ils auront donc l’occasion de répondre de manière originale à l’appel du Seigneur en oeuvrant
généreusement au service de la Nouvelle Evangélisation.
Partir vers Saint-Jacques avec le Christ,
c’est entrer dans une vie nouvelle et rappeler au quotidien sédentaire de nos existences qu’ici-bas n’est qu’une étape. L’histoire de notre vie et de notre vocation est récapitulée
dans la marche vers Dieu. Comme des enfants, nous empruntons cette route emblématique des racines chrétiennes de l’Europe, non pour montrer que nous savons marcher, mais pour dire au
monde que si nous avançons ainsi sur les chemins tortueux, c’est parce que nous avons Quelqu’un à qui donner la main.
+ Marc Aillet
Evêque de Bayonne, Lescar et
Oloron
9 juin 2011
Source : webcompostella